Je me réfugie volontiers dans la futilité ; celle qui
ne sert vraiment à rien. Quant on dit que la futilité en elle-même n’est que
pure bêtise, et bien je m’en contente. Pour moi, c’est la console vidéo et les
frittes. Cette futilité là m’aide à oublier un instant mon existence. Je
m’inonde d’images et de calories. Après bien sur, je culpabilise. Chronique
classique d’un être en mal de soi.
Je pense reprendre le travail d’ici quelques mois. Cela va
être dur. J’ai perdu les repères d’une « vie » normale, celle qui est
rythmée par les réveils difficile et les fins de journée harassantes. Il va
bien falloir ressembler à Monsieur tout le monde et se fondre dans la masse,
incognito.
Lorsque je travaillais, j’étais dans un bureau avec deux
collègues d’une cinquantaine d’année. Une journée type se déroulait comme ce
qui suit : J’embauchais, je leur disais bonjour, et je bossais sur mon
ordinateur. Pendant 7h45, on ne se parlait pas. La journée s’écoulait dans le
calme, avec de temps en temps l’intrusion du chef de service venant discuter
avec nous. Puis il repartait et de nouveau le calme plat.
Je n’ai jamais pu tisser avec mes collègues une cohésion de
travail sereine car ils m’ont toujours mit de côté ; Trop jeune et trop
moderne à leur goût. Je bousculais un peu trop leur assise confortable de
fonctionnaire tranquille qui ne voulait pas entendre parler de quoi que se soit
qui révolutionnerai leur organisation. Donc, pendant 6 ans, j’ai
« évolué » dans ce travail épanouissant que j’ai finalement quitté.
Les éléphants mourriront dans leur cimetière sans moi.
Cette épisode n’est pas la cause à effet de mon état actuel (je
vous rassure). Je ne suis pas de ceux qui se laissent bouffer par leur travail.
Mais j’avais envie de faire cette parenthèse car je ne pense pas être un cas
isolé. La dépression au travail n’a pas que pour seul facteur la pénibilité de
la tâche ou les assauts d’autorités d’une hiérarchie peu prévenante sur la
considération humaine mais qu’aussi perfide soit-elle, la torture psychologique
s’applique aussi dans un silence implacable.